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bien des obstacles, à ce qu’il me semble. Tout en gardant votre incognito, vous me donnez des armes pour repousser les dédaigneuses observations de mon monde sur votre jeunesse et votre inconsistance. À la première critique sur notre engouement pour vous, j’insinuerai que vous avez fait preuve de grande supériorité sur tous les prétendants à la main de ma fille, et, au besoin, je lâche le grand mot : je déclare, comme en confidence, à tout le monde, que ce petit garçon s’appelle Jean, Louis, Stéphen, Guérin, Rivesanges.

— Oui, si, dans ce temps-là, répondis-je, les feuilletons qui m’ont fait trois noms dans une semaine ne sont pas complétement oubliés, vous pourrez dire que votre gendre est un jeune homme bien doué, et qui a beaucoup de facilité.

Nous passâmes la soirée à rire en lisant ces fameux articles, et le bon chevalier de Valestroit, qui vint apprendre de nous la vérité de cette histoire, s’en amusa aussi, bien qu’il nous trouvât singuliers de ne pas vouloir en tirer meilleur parti.

Madame Marange était complètement convertie au sentiment d’Anicée, que le vrai mérite grandit dans l’obscurité, et que c’est à ceux qui savent l’apprécier de le faire mûrir en le rendant heureux. Rien ne semblait plus s’opposer à notre union, lorsqu’un obstacle que nous n’avions pas prévu (ce sont toujours les seuls réels dont on ne s’avise pas) vint apporter de nouvelles entraves à mon bonheur.

Julien, le frère d’Anicée, était un brave, bon et beau garçon, que j’aimais de tout mon cœur et qui me le rendait. Mais il avait peu d’intelligence, beaucoup de paresse, aucune instruction, et, par conséquent, le goût du monde, le besoin des choses frivoles et l’habitude des relations superficielles. Un jour, il lui arriva, lui qui avait vu sans méfiance et sans hostilité mon admission dans l’intimité de sa famille, de recueillir…


Ici, les manuscrits de Stéphen sont interrompus par des