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LA FAMILLE DE GERMANDRE.

saire en ce monde ? On ne m’aime pas… Quelques bons camarades feraient mon oraison funèbre en disant : « Il était plus désagréable que mauvais, et parfois il nous faisait rire avec sa misanthropie. » Et Octave, rêvant tout éveillé, continuait :

— Ne me suis-je pas imaginé tout à l’heure qu’il y avait une personne disposée à me plaindre, à me réconcilier avec l’existence et à me garder un bon souvenir ? Eh bien, cette amie improvisée, cette sœur retrouvée comme dans un rêve, cette Velléda sortie d’un chêne où elle dormait depuis mille ans en attendant mon passage dans sa forêt enchantée, j’ai eu l’esprit de l’offenser, et la voilà qui rentre sous son écorce en me criant que l’esprit me rend bête et que l’ennui me tuera. Ma foi ! je ne lui en veux pas, elle a bien raison. Mais, moi, je connais un remède : ce serait de tuer l’ennui de vivre… Mon père n’était pas plus âgé que je ne le suis quand il tomba sous les balles dans la bruyère de Penmark ! ma mère est morte de chagrin ; j’ai traîné longtemps une existence misérable, tantôt caché par des paysans malpropres, tantôt recueilli par des bourgeois