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LA FAMILLE DE GERMANDRE.

— Comment ! à vingt ans, vous croyez pouvoir vous condamner à la solitude ?

— Je ne suis point seule. Tant que j’aurai mon frère, j’aurai le meilleur de tous les amis, et il est encore assez jeune pour que ça dure. Il n’y a qu’un accident qui pourrait me l’enlever, et alors, voyez-vous, si le malheur arrivait… Ah ! ce serait trop pour moi ! J’élèverais les enfants de mon mieux ; mais celui qui m’aurait tué mon frère pourrait bien dire qu’il m’a tué le cœur !

Les yeux de Corisande se remplirent de larmes et Octave devina tout. Il se rappela avoir dit de mauvaises paroles, et que, dans ce moment-là, voyant mademoiselle de Germandre assez près de lui, il avait baissé la voix, probablement trop tard. Octave était généreux, malgré sa langue cruelle. Il fut ému de cette douleur profonde et vraie, et prit la main de sa cousine sans rien dire. Corisande comprit ce bon mouvement et ne retira pas sa main.

— Voyons, ma cousine ! dit enfin Octave tout en s’étonnant de la souplesse de cette main un peu grande, mais élégante et bien dessinée ; il ne faut