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LA FAMILLE DE GERMANDRE.

pas !… Mais, si je refuse, ce sera donc fini ? Je ne la verrai plus jamais, cette jeune dame ? Si j’avais l’air d’hésiter aujourd’hui, elle viendrait pourtant chez moi… passer un jour, une heure peut-être seulement… Et, d’ailleurs, à quoi songes-tu là, malheureux ? Elle voit bien un peu ta misère, tu ne l’as pas cachée, et la déguiser serait bien inutile ; mais elle ne la voit pas tout à fait. Quand elle te trouvera labourant toi-même ton misérable champ de seigle avec ta vache et ton âne, elle rira. La faire rire ! j’en mourrais de douleur !

Le chevalier s’aperçut qu’en pensant à cela il pleurait comme un enfant. Honteux de lui-même, il essuya son visage trempé de larmes, et, se levant avec effort, se gourmandant lui-même :

— Encore une fois, se dit-il intérieurement, à quoi penses-tu, vieux fou, je te le demande ? Tu approches de la quarantaine, et elle… c’est une enfant ! Tu es brûlé du soleil, maigre, mal chaussé, mal vêtu, gauche, timide… Oh ! mais timide à en être malade, à en déraisonner… avec elle surtout, c’est comme un fait exprès ! Et tu te fais des illusions… quoi !