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petite troupe. Il fut convenu qu’on se placerait de suite dans l’ordre de marche, et que chaque cavalier s’y tiendrait et garderait ses distances avec une précision militaire. Le docteur se plaça en tête avec le cuisinier Orlando, qui réclamait ce périlleux honneur par droit d’ancienneté. Giuseppe, valet de chambre du prince, avec Antonio, domestique du docteur, se mirent au second rang. Le prince et la signora marchaient ensuite ; puis le petit groom Carlino et le gros marmiton suivaient comme deux pages. Je venais le dernier, portant en croupe Felipone, qui devait nous quitter à la ferme et prendre de là, à ciel ouvert, un chemin plus court pour s’en aller devant en éclaireur. Sa femme eut l’honneur de faire le trajet, jusque chez elle, en croupe derrière le docteur. Nous étions donc dix, en comptant la dame voilée, et en ne comptant pas la Vincenza, qui ne devait pas nous suivre au-delà de la ferme. |

Ne connaissant pas les êtres, je ne compris pas beaucoup le plan que j’entendais adopter. Nous nous engageâmes, sans bruit et au pas, dans la galerie qui était jonchée de litière. C’est un couloir assez large et assez haut pour donner librement passage à deux cavaliers de front. Il est tout entier creusé dans le tuf tendre et compacte, comme les catacombes romaines. Sa pente, qui suit celle du terrain, est si rapide, que, sans la paille, nos chevaux eussent eu de la peine à ne pas glisser ; mais leur marche devint plus difficile quand nous rencontrâmes les longues flaques d’eau dont Felipone nous avait parlé. C’était la fin de l’inclinaison du terrain. Felipone sauta dans l’eau, prit sa grosse petite femme dans ses bras, et disparut par une ouverture latérale qui aboutit à la cave de sa maison.

Nous continuâmes à avancer lentement dans le chemin couvert qui se prolonge en dehors du parc, assez loin sous la campagne. Orlando portait une torche en avant. Malgré