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jupe d’amazone qu’elle devait rabattre pour chevaucher. Son petit chapeau de velours noir, couvert d’un voile de dentelle mis en double, était un chapeau de ville ordinaire. Elle paraissait arrangée de manière à pouvoir fournir une course à cheval et voyager ensuite en voiture sans être forcée de changer de costume. Elle était donc si bien empaquetée, qu’il me fut impossible de voir si elle était belle ou laide, vieille ou jeune. Son nom ne fut pas prononcé une seule fois autour de moi. Les domestiques et Felipone lui-même semblaient feindre de l’ignorer : c’était la signora, rien de plus.

Le prince l’avait conduite au fond de la Befana et la servait lui-même. Elle mangeait, la face tournée vers la fontaine. Sans doute elle avait relevé son voile ; mais, eussé-je été curieux de voir ses traits, la délicatesse me prescrivait de ne plus remettre les pieds au salon, et de rester à la distance où j’étais, distance assez considérable pour ne pas me permettre de distinguer le son de sa voix au milieu de celle des autres.

Le prince apprécia mon savoir-vivre et vint m’en remercier. Il attendit que mon croquis fût terminé, puis il me demanda si j’avais des armes au casino et si je ne jugeais pas à propos d’aller les chercher.

— Vous savez le chemin, à présent, me dit-il, et vous n’aurez qu’à sonner pour rentrer dans notre citadelle. Je vais vous montrer le secret de la clochette.

Je lui montrai, moi, la seule arme que je possède, mon fidèle casse-tête, qui, dans une lutte corps à corps, me semblait la défense la plus sûre.

— Vous savez pourtant vous servir d’un fusil ou de pistolets, au besoin ?

— Oui, j’ai chassé.

— Eh bien, au besoin nous vous donnerons des armes.