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ce vaurien sera forcé de nous suivre jusqu’à ce que nous ayons passé la frontière.

— Oui, oui, passons la frontière, mes benoîtes Excellences ! s’écria Tartaglia égaré, et plus transi par la peur qu’il ne l’eût été par le bain dont on l’avait menacé. Il parvint à désarmer le docteur, qui avait envie de lui administrer au moins quelques coups de cravache pour contenter les gens du prince. Tartaglia le fit rire par sa mine burlesque et ses lamentations à la Sancho.

— Hélas ! mon doux Sauveur Jésus ! disait-il d’une voix étranglée, moi qui me promettais de si bien dîner ! Ces chers messieurs, que le ciel bénisse, m’ont tout à fait coupé l’appétit, et voilà que je jeûnerai ce soir, moi qui ne songeais pas à me mortifier !

— Je vous promets, dis-je au prince, que, s’il tient parole, il sera bien assez puni. Quant aux inquiétudes qu’il peut causer à vos compagnons, je désire les faire cesser, et je donne ici ma parole d’honneur de lui casser la tête encore mieux qu’au signor Campani, si, pendant votre fuite, il commet la moindre perfidie, ou seulement la moindre imprudence.

Malgré mes promesses, dont on paraissait ne pas se méfier, il fallut souscrire à un arrangement. Tartaglia fut, par l’ordre du docteur, hissé dans une niche de la muraille qui avait autrefois servi de garde-manger ou de chapelle, à vingt pieds au-dessus du sol. Puis on retira l’échelle. Il prit assez bien la plaisanterie ; il pouvait s’asseoir commodément et ne craignait guère le vertige. Au bout d’une heure, il avait réussi, par ses lazzis et ses supplications comiques, à égayer les valets, qui lui passèrent les reliefs de leur festin au bout d’une broche.

Cet incident avait fait manquer l’omelette soufflée, au grand désespoir d’Orlando ; mais il s’en consola, au dessert,