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solino et d’un autre animal ejusdem farinœ, qui vous guettait, vous, et que nous sommes venus à bout, nous autres, de dépister en ce qui nous concerne. On l’appelle, je crois, Tartaglia.

Excellence ? dit Tartaglia, qui était officieusement occupé à laver les verres dans la fontaine et qui, entendant prononcer son nom, crut qu’on appelait.

— Ah bah ! c’est lui ? s’écrièrent le prince et le docteur en éclatant de rire. Ah ! mais vous êtes dupe, M. Valreg, et vous avez là, à vos trousses, la pire canaille du pays.

J’eus beau vouloir défendre la bonne foi du pauvre Tartaglia à mon égard, l’exclamation du docteur avait été entendue du cuisinier Orlando, qui s’écria à son tour :

— Cristo ! si je ne craignais de manquer mon omelette soufflée, je ferais vite du feu avec la carcasse de ce traître !

— Un espion ! un espion ! hurla le marmiton en basse-taille.

— Un espion ! reprit, d’une voix de ténor, le valet de chambre.

— Un bain ! un bain pour monsieur ! ajouta en fausset le groom Carlino.

L’idée eut un grand succès. L’homme que j’avais vu auprès des chevaux, et qui n’était autre que le domestique du docteur, se mit de la partie, et, en un clin d’œil, Tartaglia fut saisi et emporté comme un paquet pour être baigné, noyé peut-être, dans le grand réservoir. Je fus forcé d’intervenir et de l’arracher, non sans peine, à ce danger. Je vins à bout d’expliquer et de motiver la confiance que j’avais en lui, et le prince prononça sa sentence de grâce, ce qui fit murmurer sa maison contre moi.

— Eh ! que vous importe ? leur dit le docteur. Dans deux heures, nous ne serons plus ici, et qu’il le veuille ou non,