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Je lui fis signe d’ouvrir. La curiosité l’emportait en moi sur la méfiance. Il subissait l’impulsion contraire, car il me fit signe, avec énergie, de garder le silence, et, regardant à ses pieds, il ramassa une lettre qu’on venait de passer sous la porte.

Je m’emparai de cette missive et la décachetai avec empressement. Elle contenait ce qui suit, en français :

« Le prince de Mondragone vous prie de lui faire l’honneur de dîner et de passer la soirée chez lui. On fera de la musique».

Il y avait sur l’adresse : « À monsieur Jean Valreg, peintre, en son atelier de Mondragone». Le papier rose, satiné et parfumé, état découpé, enguirlandé et orné, au coin, d’un écusson armorial doré et enluminé.

J’examinais avec stupéfaction cet étrange billet, pendant que Tartaglia se tenait les côtes pour s’empêcher de rire tout haut, tant il trouvait la chose plaisante et l’idée du dîner agréable ; mais quand je voulus aller ouvrir au porteur de cette courtoise invitation, Tartaglia, revenant à ses craintes, se mit en travers.

— Non, non ! disait-il tout bas, c’est peut-être un piège ; n’y allez pas, mossiou. C’est comme le souper du Commandeur !

On frappait pour la troisième fois : c’était demander la réponse. Je repoussai Tartaglia en lui reprochant tout haut sa méfiance, et j’ouvris à un groom très-bien mis et d’une figure intelligente, dont les habits élégants étaient seulement un peu poudreux et rayés ça et là de toiles d’araignées, ornement indispensable de quiconque se promène dans les salles de notre manoir.

— Qu’est-ce que le prince de Mondragone ? lui demandai-je sans préambule, en regardant derrière lui pour me convaincre qu’il était seul.

— C’est mon maître, répondit l’enfant en italien sans