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— Mais dînez d’abord, mossiou, que diable !

— Non, nous dînerons après ! Il faut suivre l’inspiration quand on la tient. Je ne sais pas pourquoi je suis persuadé que nous allons réussir, maintenant que nous avons la certitude de la présence des autres, comme tu dis.

— Laissez-moi prendre beaucoup d’allumettes, mossiou. Tant que je vois clair, je suis assez brave.

— Passons par mon atelier, j’ai là tout ce qu’il faut.

Je pris la clef de l’ancienne chapelle papale, que je me permets d’appeler, sans façon, mon atelier, et nous y fîmes nos préparatifs. En voyant, sur le chevalet, mon étude presque finie, dont, par parenthèse, je ne suis pas trop mécontent, l’idée me vint que quelque accident nouveau pourrait bien m’empêcher de l’achever, ainsi que l’album sur lequel je vous écris mes aventures. Un instant d’attachement puéril pour ces deux objets qui m’ont aidé à savourer mes joies, et à me distraire de mes peines, s’empara de moi, et je grimpai à une échelle, au moyen de laquelle je peux atteindre un creux de la muraille formant une sorte de cachette que j’ai découverte par hasard, ces jours-ci. J’y déposai ma petite toile et mon manuscrit. Je me disais qu’en cas de départ forcé je les y retrouverais peut-être un jour.

— Que faites-vous là, mossiou ? me dit Tartaglia inquiet ; avez-vous quelque pressentiment ? Vous me rendez triste, moi qui avais bonne idée de notre expédition de ce soir !

J’étais encore sur l’échelle, mais je ne songeais ni à descendre ni à lui répondre. Nous nous regardâmes tous deux avec la même expression de doute et de surprise : il nous semblait qu’on venait de frapper légèrement à la porte du fond de la chapelle.

Tartaglia, sans dire un mot, ôta ses souliers et alla coller son oreille à cette porte. On y frappa discrètement une seconde fois.