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siou, reprit Tartaglia sortant de sa méditation. Écoutez-moi, et si je suis fou, ne me croyez jamais !

— Voyons ton idée !

— Nous ne sommes pas seuls cachés ici : en doutez-vous maintenant ?

— Pas plus que toi… Alors ?

— Alors, mossiou, les gens qui font si belle cuisine sous le terrazzone, sans s’inquiéter de montrer leur fumée, et sans remords de nous envoyer cruellement la bonne odeur de leur ripaille…

— Tais-toi, écoute ! lui dis-je en l’interrompant. À présent crois-tu que j’aie rêvé le son d’un piano ?

— Oui, mossiou, je l’entends ! Je ne suis pas sourd ! bon piano ! belle musique ! Tiens ! c’est l’air de la Norma ! Ah ! si j’avais ma harpe, je vous ferais entendre un joli duo, mossiou.

Nous restâmes quelques instants silencieux, écoutant le piano fantastique, qui n’était ni aussi bon ni aussi bien joué que le prétendait Tartaglia, mais qui, malgré nos anxiétés, nous donnait des idées de gaieté folle, comme on en a dans les rêves, au milieu des plus désagréables situations.

Nous ne fûmes pas moins étonnés de voir que les carabiniers restaient parfaitement indifférents à cette nouvelle bizarrerie. Il était évident qu’ils ne l’entendaient pas, et que, comme des cornets acoustiques, les colonnes creuses du terrazzone nous apportaient ces sons mystérieux, aussitôt perdus dans les régions supérieures de l’air, et insaisissables pour nos gardiens, placés à une centaine de pieds plus bas que nous.

— Donc, reprit Tartaglia, ils demeurent là-dessous, les autres ! ils y ont de bons appartements, ils y font bonne