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cette fumée fantastique qui s’échappait des longs tuyaux du terrazzone.

Je ne cherchais pas à expliquer ce que je voyais, mais je ne partageais pas la consternation de Tartaglia. Bien au contraire, je ne sais quel espoir vague m’était suggéré par cette circonstance inexplicable. Je partis même d’un éclat de rire, en entendant mon Scapin mêler aux patenôtres qu’il débitait pour recommander à Dieu sa pauvre âme pécheresse ; l’observation suivante :

— Mon Dieu, comme ça sent la graisse fondue !

Puis il reprit du même ton dolent, moitié dévot, moitié ironique :

— Ayez pitié de moi, Seigneur ! Douze cierges à mon saint patron si vous me sauvez de cette diablerie et de cette damnée odeur de cuisine qui me réjouit malgré moi ; car, depuis deux jours je n’ai pas mangé ma faim, et, en ce moment, je serais capable d’avaler le diable en personne !

— Mais c’est que tu as raison, m’écriai-je frappé de la justesse de sa remarque : ça sent la cuisine !

— Et la bonne cuisine, je vous jure, mossiou ! Ça nous arrive ici à bout portant. Ils ne sentent pas ça en bas, les carabiniers ! Je parie qu’ils s’imaginent sentir la poudre ! Ils croient que nous avons miné la terrasse et que nous allons les faire sauter.

— Crois-tu ? Eh bien, la première chose dont il faut nous occuper, c’est de voir si nous ne pourrions pas profiter de cette panique pour nous évader. Voyons ! regarde bien, toi qui as des yeux de lynx, s’ils sont assez loin pour nous permettre de descendre par la corde.

— Non, mossiou ; ils sont là, à droite et à gauche, sur les allées qui aboutissent au terrazzone, et ils nous verraient comme je vous vois, par ce beau clair de lune.