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— C’est eux, mossiou, c’est les carabiniers qui me l’ont donnée.

— Ah bah ! ils consentent à nous faire passer des vivres ? Oh ! alors…

— Non, non ! ils ne nous font rien passer du tout ; pas si sots ! mais ils sont sots quand même, car cette pauvre bête, qui vient je ne sais d’où, s’étant approchée apparemment de l’avoine de leurs chevaux, ils ont voulu la prendre ; ils l’ont manquée, effrayée, et, comme elle vole bien, elle est venue se percher sur notre mur, où… crac ! d’un coup de pierre, je l’ai abattue à mes pieds. Eh ! ce n’est pas maladroit, ça, mossiou !

— Non certes !

— Mais, dit le capucin, elle n’est pas tombée d’un coup de pierre ; elle a volé de mon côté, et c’est moi qui vous ai aidé à la prendre et a lui tordre le cou.

— Taisez-vous, Carcioffo, reprit Tartaglia ; vous ne devez jamais contredire votre supérieur !

Voyant que le capucin se prêtait en riant à être l’esclave et le jouet de Tartaglia, pourvu que celui-ci consentît à le nourrir, je crus devoir ne pas me mêler de leurs relations. Seulement, je les observais sans en avoir l’air, afin d’intervenir s’il arrivait que le pauvre frère devint victime de la malice de notre Scapin ou de sa propre cupidité. Mais je fus bientôt à même de constater que Tartaglia, au milieu de tous ses vices de bohémien, est naturellement bon et même charitable et généreux. Tout en accablant le moine de menaces et de quolibets, il le soignait fort bien, et je vis que ce régime convenait très-fort au capucin, qui, abandonné à lui-même, se serait laissé complètement abrutir par l’effroi et la tristesse de la situation.

Après le déjeuner, je surpris Tartaglia rangeant et cachant avec soin certains paquets. C’était une provision de lazagnes