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Grâce à un tempérament peu irritable et à un sang très-pur, la malade n’eut pas la réaction nerveuse que je redoutais, et, au bout de deux jours, la cicatrice était fermée dans les meilleures conditions possibles. Il nous fallut agir avec beaucoup de mystère : d’une part, pour ne pas exposer Felipone à des poursuites ; de l’autre, pour ne pas exposer sa femme à une nouvelle vengeance.

J’avais, dès la nuit même de cette recouvrance inespérée, fait disparaître les traces de mon entrée dans la glacière, après être remonté par là, afin de laisser le tour fermé en dedans. Je pouvais présumer que Felipone n’aurait jamais la force de retourner dans la befana, mais s’assurerait des issues, pour que personne ne pût constater son crime. Je ne me trompais pas : il travaillait à murer et à condamner pour jamais l’entrée du souterrain dans sa cave. Je le sus par Gianino, qui l’entendait maçonner et porter des pierres durant la nuit ; et, malgré ses précautions, je le vis, en outre, sortir un matin des massifs de la glacière. J’allai voir furtivement ce qu’il avait fait. Je trouvai la butte exhaussée et complètement plantée d’arbres. Une autre fois, je vis Onofrio, sans chiens et sans troupeau, auprès de la chapelle de Santa-Galla. Là aussi, probablement, on avait muré le passage.

Il nous tarde beaucoup, comme vous pouvez croire, de voir la Vincenza sur pied et de la faire évader. Nous sommes dans des appréhensions continuelles que son mari ne la découvre dans une des chambres de notre casino. Il est venu nous voir une seule fois depuis qu’elle y est, et s’est assis sur la marche de cette chambre qui donne sur la petite terrasse, vis-à-vis de notre appartement. Appuyé sur les balustres, je fumais en feignant de ne pas l’observer, car j’arrive forcément à être aussi dissimulé qu’un Italien de sa trempe. Il était affaissé et comme abruti dans son déchirant sourire.