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— Si mon parrain ne s’est pas tué avec sa femme, il est là. Onofrio était son meilleur ami.

La pénétration de Daniella n’était pas en défaut. Sur les ruines du cirque de Tusculum, nous trouvâmes Felipone assis auprès du berger. Les moutons broutaient, autour d’eux, l’herbe fine de l’amphithéâtre. Le soleil se couchait ; une douce brisa effleurait, sans les agiter, les cheveux rudes et frisés du fermier.

— Voilà une belle soirée, nous dit-il en venant à notre rencontre ; on est bien ici, et vous avez raison d’y venir voir coucher le soleil.

— C’est, dit Onofrio avec son calme habituel, un des plus beaux endroits de la Campagne de Rome, et, dans les plus mauvaises journées de l’hiver, on n’y sent point de froid. C’est là que je viens me chauffer au mois de janvier. Ça ne fait de mal à personne, n’est-ce pas ? La bon Dieu ne trouve pas que ça use son soleil quand les pauvres gens, à qui l’on dispute un fagot dans ce monde, vont lui demander un peu de son grand feu.

Nous interrogions avec anxiété la figure de ces deux hommes ; il n’y avait chez eux aucun effort visible pour s’entretenir avec nous de la pluie et du beau temps. Ils semblaient continuer une conversation paisible et rêveuse.

— C’est une pauvre vie que la vie de berger, dit Felipone ; et pourtant moi qui, étant garçon, courais un peu les filles et le cabaret dans la ville, j’ai quelquefois désiré d’être seul et dévot comme ce chrétien-là. Si j’avais cru en Dieu, je n’aurais pas fait les choses à demi : je me serais fait moine ou berger. Plutôt berger, car le moine s’abrutit à recommencer tous les jours la même promenade et à marmotter d’heure en heure les mêmes prières, tandis que le berger va où il veut et dit à Dieu ce qu’il a envie de lui dire.