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tions), et sans beaucoup de chance d’arriver à temps, quand même le passage serait libre. Le tour qu’il faut faire pour retourner à la porte des cours et redescendre la longueur du château en dehors, avant d’entrer sous les cyprès prend déjà au moins dix minutes ; il en faut au moins autant pour descendre l’allée en courant, et je n’osais guère courir, dans la crainte d’être observé et d’attirer l’attention sur l’événement que je voulais conjurer.

Depuis quelque temps et surtout depuis le jour où Felipone avait disparu, la ferme était à l’abandon. Les deux domestiques : étaient aux champs ; les enfants jouaient dans la petite cour. Je demandai à Gianino si son oncle était revenu. Il secoua la tête négativement, et je vis passer sur sa figure jaune et camuse une expression de tristesse et d’inquiétude que l’insouciance de son âge n’emporta qu’avec effort. J’essayai, à tout hasard, d’entrer dans la salle basse : elle était solidement fermée, comme de coutume.

J’attendis une heure. J’allai, comme en me promenant, à la prairie où est la petite chapelle qui donne issue au souterrain dans la campagne. Elle était également fermée d’un énorme ; cadenas. Je retournai à Mondragone et redescendis aux caves de la porte tournante : rien que ténèbres et silence. J’allai consulter Daniella, qui priait devant la madone du portique.

— Que faut-il faire ? lui dis-je.

— Rien, s’il a fait ce qu’il voulait ; nous devons paraître ne rien savoir. En le cherchant et en le demandant, nous l’envoyons à l’échafaud. Laissons passer encore une heure, et j’irai porter à manger à ces pauvres orphelins. Felipone les a oubliés lui si bon pour eux. Quand j’ai vu le commencement de cet abandon, je me suis dit : « C’est bien mauvais signe ! »

La journée s’écoula sans rien changer à nos angoisses.

Vers le soir, Daniella me proposa d’aller voir Onofrio.