Page:Sand - La Daniella 2.djvu/290

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Et tu ne crains pas qu’il ne s’en fasse à lui-même ?

— Qu’il ne se tue ? Oh ! si tous les maris trompés se punissaient comme cela de leur confiance, nous serions toutes veuves !

Il n’y avait pas à la chapitrer. C’est une nature insouciante et audacieuse.

— Va, au moins, soigner les neveux de ton mari, lui dit Daniella. Si je ne m’étais occupée d’eux depuis quelques jours, je crois qu’ils auraient fait maigre chère.

— Bah ! tu t’intéresses à ces petits singes ? Moi, ils m’ennuient et me dégoûtent !

— Alors je les plains, si ton mari ne revient pas. Pour qu’il oublie ainsi ces pauvres créatures, il faut qu’il soit bien loin ou bien tourmenté.

Daniella parlait encore lorsque Felipone entra dans le Pianto où nous étions en ce moment. Sa femme alla à lui pour l’embrasser. Il la baisa sur les deux joues avec la même aisance que si rien ne se fut passé, et la pria doucement d’aller mettre un peu d’ordre à la maison.

— Passe devant, lui dit-il, et enlève les matelas et les couvertures restés dans la befana. Je vais t’aider.

Elle descendit l’escalier du Pianto en chantonnant, et en nous jetant, à la dérobée, un regard de triomphe moqueur qui semblait dire : « Vous voyez ce pauvre homme ! »

— Mes enfants, nous dit le fermier en nous serrant les mains, priez pour moi, vous qui croyez… Je suis un homme bien à plaindre.

Sa bouche ne cessa pas de sourire en proférant ce premier et dernier aveu de son désespoir.

— C’en est fait de la Vincenza ! me dit Daniella.

— Suivons-le !