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Je regrettais la peine inutile qu’il allait prendre et les nouveaux dangers qu’il venait braver, mais je ne pouvais dire un mot pour lui faire donner un meilleur avis. Avec des gens aussi pénétrants que mes deux convives, la moindre réflexion eût pu conduire à la découverte du secret de Brumières.

Je laissai donc Tartaglia, je veux dire maintenant Benvenuto, se bercer de rêves qui ne me semblaient pas tout à fait illusoires, puisqu’en attendant il avait la confiance du prince. Il était évident qu’il lui avait plu et qu’il pouvait désormais tenir sa parole de devenir un honnête homme. Il avait du linge magnifique ; un passe-port bien en règle ; de l’or plein ses poches : trois choses que j’avais toujours entendu souhaiter à cet original, et moyennant lesquelles il assurait pouvoir rentrer dans le sentier de la vertu.

— Voyez-vous, mes amis, nous dit-il au dessert, après s’être, je dois le dire, très-convenablement tenu pendant le repas, il y a des pays où la bonne conduite est assez encouragée pour qu’il y ait plaisir et profit à en faire métier ; mais il y en a d’autres où la condition des gens de ma sorte est si dure et leur éducation si mauvaise, qu’ils ne peuvent pas sortir du bourbier sans un secours extraordinaire. En Italie, où l’on est obligé de tenir compte de la fatalité des choses, vous verrez, si vous regardez bien, que les antécédents n’empêchent pas la considération, et, tel que vous me voyez, je veux, avant qu’il soit deux ans, être M. Benvenuto, intendant considéré, estimé de son maître, redouté de la valetaille, marié à une gentille femme, et père d’un beau garçon qui sera un jour avocat ou médecin, à moins qu’il n’ait la vocation d’artiste, ce en quoi je ne veux pas le contrarier. Pourquoi non ? Eh ! monsieur Valreg, croyez-vous donc que le métier de gredin soit agréable ? et que celui d’homme de bien ne soit pas le plus amusant de tous, surtout pour le