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susdit prince. Vous savez, mossiou, comment il avait laissé traiter le pauvre Tartaglia par ses gens, dans cette maudite befana où il faisait, on peut bien le dire, la figure d’un saint dans une niche. Eh bien, tout en passant la nuit ainsi enchâssé et béatifié, Tartaglia avait fait ses petites réflexions, par suite de ses petites remarques, et il s’était dit : Ce beau cheval noir que j’ai vu là, au bas de l’escalier, c’est Otello, je le connais bien. Je l’ai pansé et promené assez souvent, ne fût-ce qu’une certaine nuit sur la route de Frascati, où, par parenthèse (on peut tout dire à présent), je vous ai empêché de tomber dans les griffes de Campani (le diable ait son âme !) en vous faisant passer pour M. Mangin, le préfet de police… Mais je continue ! Donc j’avais reconnu la dame voilée puisque j’avais reconnu Otello, et je me disais :

» — Medora ne partira pas avec le prince, puisqu’elle a revu M. Valreg…

» Et puis je m’étais dit encore.

» — Voilà un bon prince, très-amoureux et très-libéral. Si, au lieu de me fouler aux pieds, il me demandait conseil, il pourrait bien s’apercevoir que je suis un homme dans l’occasion.

» Si bien que, voyez la destinée, mossiou ! quand je l’ai retrouvé dans cette bourgade dont je vous parle (ça s’appelle Porto-Ercole), j’ai été droit à lui et je lui ai dit des choses qui lui ont fait ouvrir l’oreille, entre autres celle-ci :

» — La Medora est coiffée d’un garçon (je ne vous ai pas nommé) qui aime ailleurs et ne veut point d’elle. Patientez, et si je vous fais épouser cette belle, faites-moi votre intendant, je ne vous demande pas plus d’un mois pour y réussir. J’y risquerai ma peau ; mais la place que vous me promettez vaut bien ça.

» — Je te l’ai donc promise ? a dit le prince en riant. Eh bien, soit ! Je n’y risque rien, puisque tu n’y réussiras pas. — Et moi : Nous verrons ! — Or, mossiou, me voilà habillé en honnête homme, comme vous le voyez, et décidé à le deve-