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— J’entends, s’écria Tartaglia effaré. Cristo ! vous n’êtes pas des chrétiens ! Vous voulez nous faire mourir de faim ?

— Vous avez porté des vivres ce matin ; il fallait en porter davantage : tant pis pour vous !

— Mais…

— Mais c’est assez. Fermez votre guichet ou je commande le feu sur cette porte. Carabiniers ! en joue !

Tartaglia n’attendit pas que l’on commandât le feu, il ferma précipitamment le guichet.

— Ça va mal ! ça va bien mal, mossiou ! me dit-il quand nous eûmes ramené au casino le capucin éperdu. Je n’aurais pas cru qu’on en viendrait là. Avec les gens de la police… (il y a là dedans tant d’espèces d’originaux !) nous nous en serions tirés ; mais ces démons de carabiniers n’entendent à rien et ne connaissent que leur damnée consigne. Sancto Dio ! que faire pour leur persuader de laisser sortir ce moine et de me permettre d’aller aux vivres demain matin ?

— Tu as pu regarder dehors : sont-ils beaucoup ?

— Environ une douzaine, campés dans le gros massif de fortification antique qui est en dehors, juste en face de la grande porte de la cour. Il y a là de grandes voûtes où ils ont établi leur poste. J’ai vu les chevaux. De là, ils surveillent à bout portant, pour ainsi dire, les deux portes.

— Attends, lui dis-je ; laissons le capucin ici se remettre, et allons faire une ronde.

— À quoi bon, mossiou ? J’ai tout exploré et vous aussi ! Vous savez très-bien que, sur la face nord, tout est muré. D’ailleurs, tenez, ajouta-t-il en sortant avec précaution sur la petite terrasse du casino, voyez ! ils sont là aussi. Ils allument même un feu de bivouac pour passer la nuit !

En effet, douze autres carabiniers occupaient la grande terrasse au-dessous de celle où nous étions ; nous fîmes