Page:Sand - La Daniella 2.djvu/269

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ce courage ou cette confiance imposèrent à Felipone ; ou bien nous étions trop près pour qu’il voulût nous avoir pour témoins de sa vengeance ; ou bien encore Daniella s’était trompée en lui supposant des pensées tragiques.

Nous les entendîmes causer ensemble de bon accord sur la manière dont le lièvre avait été tué.

— Vous l’avez massacré, disait Brumières, avec votre plomb à chevreuil.

— Bah ! répondait Felipone, tout ce qui porte est bon !

Nous les vîmes longer le petit torrent sans eau qui parcourt le fond de la gorge. Ils se dirigeaient vers Mondragone et prenaient sur nous de l’avance. Bientôt nous les perdîmes de vue sous le taillis, et, après avoir marché vite pour ne pas perdre nos distances, nous nous arrêtâmes pour écouter.

— J’ai entendu comme un cri étouffé, dit Daniella.

Nous prêtâmes l’oreille : un gros rire, celui de Felipone, se fit entendre.

— Tu vois bien que tu t’es trompée, dis-je à ma femme attentive et pâle.

— Je n’entends pas rire l’autre ! répondit-elle.

Nous quittâmes le chemin pour tâcher de regarder vers le fond. C’était impossible. Nous nous égarions dans le robuste entrelacement des chênes nains, dont les feuilles sèches tenaient encore et interceptaient la vue. La nuit tombait, et quand nous nous retrouvâmes sur le chemin, non loin du couvent, nous avions perdu assez de temps pour que nos gens eussent regagné Mondragone, si tant est qu’ils fussent sortie de la gorge. Nous n’osions appeler Brumières dans la crainte de hâter la résolution que Daniella attribuait au fermier.

Notre inquiétude cessa à la porte de Mondragone, où nous