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soir. C’était trop tard pour Brumières. J’imaginai de prier Felipone, qui s’était rapproché de nous, de garder le paillis jusqu’au retour du berger. C’était l’affaire d’une heure au plus. De cette manière je séparais les deux rivaux, et j’emmenais Brumières.

Felipone répondit courtoisement qu’en toute autre circonstance il se ferait un plaisir d’obliger M. Brumières, mais il était forcé de rentrer de suite à Mondragone.

— Daniella sait qu’il le faut, me dit-il ; vous n’avez pas voulu écouter ce que j’avais à vous dire là-dessus, mais elle vous en fera part.

En toute autre circonstance, comme disait Felipone, il eût été tout naturel de demander à celui-ci de répondre pour nous du payement afin que Brumières put emporter le bijou ; mais je ne pus surmonter la répugnance que j’éprouvais à demander au fermier l’ombre d’un service d’argent pour l’homme qui le trahissait, et Brumières lui-même, malgré son assurance ordinaire, ne s’en sentit pas le courage.

Il y avait, d’ailleurs, quelque chose de trop significatif, de la part d’un homme aussi obligeant et aussi prévenant que Felipone à ne pas proposer, même à moi, sa garantie.

— Eh bien, allons chez vous, me dit Brumières. Vous me prêterez, et je reviendrai payer. Je serai encore de retour à Frascati avant la nuit.

Je crus remarquer un sourire particulier sur les lèvres retroussées du fermier ; mais, sur une figure où l’enjouement est comme une contraction nerveuse habituelle, il est très-difficile de saisir un mouvement de l’âme.

Nous reprîmes le chemin de Mondragone, Daniella, Brumières et moi. Felipone nous laissa passer devant et resta encore quelques moments à causer avec Onofrio ; puis nous le vîmes nous suivre avec son fusil et ses chiens. Il marchait