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— Prenez garde d’y aller avant moi, signore !

L’accent de cette réponse fut si marqué, relativement au flegme ordinaire d’Onofrio, que je commençai à croire Brumières en danger.

— Allons-nous-en, lui dis-je à voix basse ; il ne fait peut-être pas bon pour vous ici. Il me regarda avec étonnement, et je lui fis part de mes doutes.

Il n’en tint pas grand compte.

— Je sais par Vincenza, dit-il, que son mari, pour la première fois de sa vie, commence à la soupçonner ; mais c’est lord B*** qu’il accuse de vouloir la séduire, parce que le brave Anglais, reconnaissant des soins donnés par elle à lady Harriet lui a fait de trop riches présents. Voilà, ce que c’est que d’être opulent et généreux. Moi qui, pour vingt-quatre heures encore, suis gueux comme un peintre, je ne cours pas le risque d’être accusé d’acheter le cœur des femmes à prix d’or. Mais voyons, nous perdons le temps ; voulez-vous me rendre un service ? Marchandez et achetez pour moi ce bijou. Il me le faut à tout prix.

— Onofrio ne le livrera pas sans argent comptant, même à moi son ami, car il voit bien que ce n’est pas moi qui achète, et je présume que, pas plus que moi, vous n’avez deux ou trois cents francs sur vous ?

— Certes ; non, mais je courrai à Frascati chercher l’argent.

— C’est inutile, venez jusqu’à Mondragone et prions Onofrio de nous suivre ; je le payerai.

Onofrio me céda la broche pour trois cents francs, mais il refusa de venir se faire payer à Mondragone. Il ne pouvait pas s’absenter. Les autres paillis étaient trop éloignés, aucun berger ne pouvait venir surveiller ses bêtes et sa demeure. Quand il s’absentait, il prenait ses arrangements dès la veille. Il nous offrait d’apporter le bijou le lendemain