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lente, folle et cruelle ? C’est là le seul crime de ma vie, mais il est grand et il me fait trembler de peur quand j’y pense. Tu sais bien ce que je disais dans nos premiers jours de Mondragone : Dieu, que j’ai offensé quand je me suis donnée à toi sans sa permission, me punira : et il m’a punie plus sévèrement que je ne l’avais prévu. Que j’aie été séparée de toi, maltraitée, insultée, battue, volée et tout cela avec de mortelles inquiétudes sur ton compte, je m’y attendais presque. La conscience de mon péché m’en donnait comme un avertissement ; mais que, le premier jour où j’ai été réunie à toi, un jour que j’aurais dû passer en prières et à tes genoux pour adorer et remercier Dieu, j’aie été coupable envers toi, que je t’aie odieusement fait souffrir !… voilà un jour de l’enfer qui m’a été imposé, et quand je me souviens de mon délire, je me sens un vertige comme si le démon me serrait la gorge et me tenaillait le cœur en me criant : « Ce n’est pas la seule fois que je t’aurai en ma puissance ; je reviendrai, et tu recommenceras ! » Ô mon Dieu, mon Dieu ! s’écria ma pauvre Daniella avec exaltation, faites que je ne recommence pas ! faites-moi mourir plutôt que de me laisser vivre pour le malheur de ce que j’aime !

Je la consolai en lui jurant qu’elle pouvait retomber dans sa jalousie, sans danger désormais.

— C’est ma faute, lui dis-je si, tous deux, nous avons tant souffert. J’ai été surpris par la douleur, j’ai manqué de foi et de force. J’aurais dû trouver des paroles et des caresses pour te détromper et te rassurer, des formules sacrées pour chasser ton démon. J’étais fatigué et malade ; et puis j’avais en moi-même, dans ce triste lieu, des pensées sinistres et lâches. J’avais boudé la providence comme un sot enfant boude sa mère. Je m’étais révolté contre les heures qui ne marchaient pas assez