Page:Sand - La Daniella 2.djvu/247

Cette page n’a pas encore été corrigée

tenant il semble, dire qu’elle ne peut pas se tromper.

L’excellente dame comprend si peu que je sois humilié de ses bienfaits, qu’elle aura un véritable chagrin, qu’elle sera humiliée elle-même, si je les repousse, et son mari ne sait comment s’y prendre pour lui porter ma réponse. Il a fallu transiger : il ne sera pas fait d’acte, Daniella recevra un portefeuille, et mylord voudra bien le reprendre sans récépissé, en disant à sa femme que nous l’avons prié d’être notre dépositaire.

Daniella, présente à cette discussion, a eu la générosité et la délicatesse de dire comme moi. Pourtant elle m’a fait quelques reproches ensuite. Elle a déjà l’instinct passionné de la maternité, et elle trouve que nous n’avons pas la droit de refuser ce qui assurerait à ses yeux l’indépendance et le bien-être de notre enfant dans l’avenir. Elle comprenait que nous ne dussions rien accepter de Medora ; mais elle n’a pas les mêmes scrupules vis-à-vis de lady Harriet, qui a toujours été bonne pour elle et devant qui elle ne s’est jamais sentie humiliée.

J’ai eu quelque peine à lui persuader que ce serait peut-être un malheur pour notre enfant de naître avec un héritage assuré, relativement trop brillant pour la condition où je voulais l’élever. Ç’a été déjà une sorte de malheur pour moi d’avoir un petit patrimoine, puisqu’en considération de l’oisiveté où j’avais le droit de vivre, l’abbé Valreg ne m’a rien fait apprendre tant que j’ai été sous sa tutelle. Si je n’avais pas aimé la lecture, je serais devenu idiot, et si je n’avais pas eu ensuite un certain courage, je ne me serais pas mis à même d’avoir un état.

— Ta crainte d’avoir un enfant riche vient, me disait-elle, de l’endurcissement d’intelligence de ton oncle. Il a voulu te rendre esclave de ton petit capital, et tu as pris en aversion un moyen de liberté dont on voulait te faire une