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cette vaste ruine, son étonnement fut au comble, et, avant que nous eussions traversé le parterre en friche pour le conduire au casino, un nouveau spleen s’était emparé de lui. Il me trouvait de plus en plus fou de préférer cette demeure, selon lui lugubre, et cette vie, qu’il appelait misérable, à celle que je pourrais avoir en vivant chez nous, sur mes terres. Daniella, avec sa gaieté radieuse au milieu de cette solitude, le frappait de stupeur, et il se demandait tantôt si c’était une sainte, tantôt si c’était une maniaque comme moi.

Il causa avec elle et la trouva si croyante, que cette âme, pleine de foi et de feu, lui fit impression, sans qu’il se rendit compte de l’ascendant qu’elle prenait sur lui.

— Décidément, me dit-il quand il parla de nous quitter, je crois que tu n’as pas mal choisi. C’est une femme de courage et de principes. Le malheur est que tu vas la gâter, lui mettre en tête tes idées saugrenues et vouloir en faire une artiste, c’est-à-dire une paresseuse, au lieu d’une bonne ménagère qu’elle pourrait être. Mais tout ça te regarde, et je sais qu’il ne faut pas mettre le doigt entre l’arbre et l’écorce. J’ai fait mon devoir auprès de toi, j’ai rempli ma mission auprès du cardinal Antonelli, et je m’en vas un peu plus tranquille que je ne suis parti, et beaucoup plus aise de quitter Rome que je ne l’étais de quitter mon endroit. Il fera chaud quand on me rattrapera aux voyages d’agrément ! Allons, tâche de revenir bientôt au pays, à moins que tu ne trouves à faire fortune ici, ce dont je doute bien fort. Mais je comprends aussi que tu doives faire honneur et compagnie à ces Anglais qui t’ont sauvé de la prison, et peut-être de la corde ! Tu méritais bien quelque chose comme ça pour ton peu de cervelle ! C’est égal, les choses ont mieux tourné que je ne l’espérais, et je te laisse en assez