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de l’instinct musical de ma femme, et du grand talent qu’il m’attribue comme musicien et comme peintre, que, bon gré mal gré, il nous fallut passer pour des aigles. Lady Harriet, prompte à la crédulité et à l’engouement, tomba d’emblée dans ce rêve de nos glorieuses destinées et caressa, en elle-même, celui d’être notre première protectrice. Elle déclara que sa première sortie serait pour venir à Mondragone entendre chanter Daniella et voir ma peinture.

Elle était visiblement gaie et heureuse de l’effort qu’elle avait fait pour rompre, une fois en passant, avec ses habitudes de convenances et ses préjugés aristocratiques. Je sentais bien que cette rupture ne pouvait être de longue durée, et que tout cela était une petite débauche de bienveillance et de bonté, favorisée par la solitude de Frascati, les souvenirs de la via Aurelia, la présence de mon oncle et le plaisir, toujours cher à l’Anglaise en voyage, de faire un peu d’excentricité. Mais, au milieu de ces considérations, j’en apercevais une plus puissante et plus agréable pour moi : c’était le désir de satisfaire le mari si longtemps méconnu et dédaigné. Lady Harriet était véritablement sensible à l’attachement qu’il lui avait prouvé, et si elle doit revenir à ses tristes erreurs sur le compte de cet excellent homme, ce qu’à Dieu ne plaise ! du moins, il aura eu, pendant cette convalescence où la joie de se sentir revivre a disposé Harriet à une appréciation plus équitable, quelques jours de repos et de bonheur.




LII


L’abbé Valreg voulut nous reconduire à Mondragone, pour voir comment nous y étions installés. À l’aspect de