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me questionnant n’écoutant pas mes réponses, puis me reprochant de ne pas lui répondre, et cherchant matière à fâcherie dans les témoignages d’affection que je lui donnais ; enfin s’adoucissant tout à coup avec une grande bonhomie, pour repartir sur nouveaux frais, mais jamais avec beaucoup de justice, selon moi, car nos opinions sur toutes choses diffèrent si essentiellement qu’il me reprochait ce que je pensais avoir fait de bon, et passait légèrement sur ce que je m’affligeais sérieusement de n’avoir pu éviter. Par exemple, il comprenait, disait-il, que j’eusse mis à néant son autorité, puisqu’en somme il n’en avait pas légalement sur moi.

— Chacun pour soi, après tout, disait-il. Ainsi va le monde, et il n’en peut être autrement. Tu savais que je dirais non ; tu t’es dépêché de conclure. Je ne t’en veux pas pour ça : tout autre eût agi de même à ta place. Mais ce que je trouve fou et bête au dernier point, c’est d’avoir refusé une héritière pour épouser une fille qui n’avait rien ; car je sais toute ton histoire, vois-tu. J’ai causé avec cet Anglais, qui m’a l’air d’un brave homme, bien qu’il ait une drôle de manière de parler. Mot par mot je lui ai tiré les paroles du ventre, tout de même. Je ne suis pas encore si maladroit que tu t’imagines, et j’ai bien vu que tu n’avais fait, dans ce pays-ci, que des âneries. C’est ta manière de voir, soit ! Tu crois que tu as une fortune au bout de ton pinceau ! Moi, je crois que tu n’auras rien sous la dent quand viendra la marmaille, et que, comme tu seras toujours un niais, j’aurai beau économiser sou par sou, je ne te laisserai jamais ce qu’il faudrait pour contenter tes caprices. Par exemple, voilà une jolie petite course que tu me fais faire, qui me coûtera au moins… cinquante francs de mon argent ! heureusement l’archevêque de mon diocèse m’a payé les frais de route, vu qu’il avait justement une