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voilà encore plus mécontent d’y être venu, quand tout cela aurait pu s’arranger aussi mal de loin que de près ?

— C’est donc pour moi que vous avez fait ce voyage ?

— Et pour qui, je t’en prie ? Crois-tu que je sois comme toi, et que j’aime à perdre mon temps et mon argent sur les chemins ?

— Je vois, dans cette démarche, une preuve d’affection si grande, que j’en suis heureux au delà de ce que je peux dire. Oui, oui, mon bon vieux !

Et, en l’appelant ainsi, comme au temps de mon enfance, je l’embrassais encore malgré lui…

— Oui, ce jour-là est le plus grand de ma vie, grâce à elle et grâce à vous, puisque vous êtes là !

— C’est cela ! reprit-il, moitié riant, moitié colère ; je viens pour te donner ma malédiction, et tu trouves tout cela très-gentil, très-drôle, très-amusant !

— Non, non, je trouve cela si bon et si généreux de votre part, que je sens que je vous aime mille fois plus qu’auparavant.

— C’est-à-dire que, m’aimant mille fois mieux depuis que tu m’as désobéi et traité comme une vieille marionnette au rebut, je dois m’attendre, par la suite, à un redoublement d’affection dans le même genre ! ça promet !

Je le laissai exhaler son mécontentement. Lord B** avait emmené Daniella auprès de sa femme, et nous marchions grands pas, moi suivant docilement tous les mouvements de mon bon oncle, le long du stradone. Il avait un dépit que j’eusse trouvé vraiment comique, si la crainte de l’avoir sérieusement affligé ne m’eût tenu dans l’attente d’une explosion plus grave. Mais cette explosion n’arriva pas, et j’en fus même étonné, sachant que l’abbé Valreg, sans être vindicatif est assez persistant dans ses ruptures avec ceux qu’il appelle des ingrats.

Il se contenta de me grogner pendant une demi-heure,