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— Qu’en penses-tu ? réponds toi-même ?

— Je pense que tu serais très-jaloux, parce que je le serais à ta place.

— Et la jalousie fait beaucoup de mal, n’est-ce pas ?

Ô Dio santo ! quelle torture !

— Et, pour me l’épargner, tu renoncerais au rêve d’une vie brillante comme celle dont parlait Brumières ?

— Oui, tout de suite ! Si tu dois souffrir quand je saurai quelque chose, ne m’apprends plus rien.

— Ce serait mal. Nul n’a le droit de mettre un frein à la puissance d’un autre, quand c’est une belle et noble puissance. On serait d’autant plus coupable d’étouffer le feu sacré, que l’on aime d’avantage l’être qui le possède. Ainsi, quoi qu’il arrive, je te mettrai à même de te développer.

— Mais à quoi me servira d’être savante, si je cache mon savoir ?

— D’abord, je n’exige rien et je ne veux rien établir pour l’avenir. Il est possible que ton génie t’emporte sur un chemin de soleil et de feu ; et, pourvu que tu m’aimes, je te suivrai. Il est possible aussi que, voyant plus de vraie clarté et de douce chaleur dans un sentier ombragé, tu préfères y rester avec moi. Quant à dire ce que tu feras alors de ton savoir, je ne saurais te l’expliquer que par une comparaison : Écoute le rossignol ; pour qui crois-tu qu’il chante ? Pour nous ou pour lui ?

— Ni pour l’un ni pour l’autre ; il chante pour ce qu’il aime.

— Voilà une plus belle réponse que ce à quoi je songeais ; mais saches que, privé de sa femelle et mis en cage, il chanterait encore.

— Il chanterait pour chanter. Eh bien, je comprends