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jamais faire ni vilenie ni bassesse pour réaliser sa fantaisie. Vous me connaissez assez, j’espère, pour être bien certain que je ne voudrais ni d’une bossue, ni d’une vieille, ni d’une laide, ni d’une femme de mauvaise vie, eût-elle la fortune des Rothschild à m’offrir ; mais Medora est belle, et, malgré le soin tout particulier qu’elle prend de se compromettre et de faire jaser, elle est pure. De plus, elle est adorable d’esprit et de caractère quand elle veut. Enfin, j’en suis fou !…

— Et vous n’avez pas de ballon pour vous soustraire à la fascination ? Allez donc votre train et suivez l’étoile qui vous luit. Pourquoi la blâmer et la maudire pour un jour de caprice ? Si elle était parfaite, seriez-vous parfait vous-même pour la mériter ?

— Ma foi, pourquoi pas ? répondit-il en riant ; je ne vois pas ce qui me manque pour être un garçon accompli. D’ailleurs, la question n’est pas de savoir si je dois continuer à la poursuivre ; c’est de savoir si je ne perds pas mon temps et si je n’use pas mes dernières bottes fines pour n’aboutir qu’au titre flatteur de cher ami. Tenez ! vous aviez plus de chances que moi pour réussir auprès d’elle ; pourquoi diable n’avez-vous pas pris ma place et moi la vôtre ? Daniella est plus belle, quand elle chante et danse, que n’importe qui. Et même quand elle rêve… elle a des yeux, des narines… je ne l’avais jamais regardée comme aujourd’hui. Elle est pauvre et méconnue ; mais il ne tient qu’à elle d’être riche et célèbre, et, comme vous avez le mérite de l’avoir découverte, elle vous sera peut-être fidèle.

— Ce peut-être est de trop, mon cher ami ; et, si vous voulez me faire plaisir, vous me laisserez apprécier tout seul les mérites de ma femme.

— Allons ! vous voilà jaloux ?

— Et pourquoi pas, je vous prie ?