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si sérieuse et son œil noir se fixe et se dilate avec une volonté si prononcée, que je ne peux pas douter de l’avenir qu’elle rêve. Et pourtant il me semble que j’aimerais mieux pouvoir en douter un peu. Je vais vous expliquer cela.




XLIX


15 mai. — Mondragone.

Hier, Brumières est venu nous rendre visite pendant qu’elle étudiait. De loin, il avait entendu cette voix merveilleuse, et il ne pouvait croire que ce fût celle de la Daniella. Quand il en fut convaincu, et qu’elle lui eut chanté une très-belle vocalise que j’ai trouvé à la villa Taverna dans les feuilleta déchirés d’un vieux solfège, et que je crois être de Hasse, il fit deux fois le tour de la chapelle qui me sert d’atelier, en donnant des marques d’une vive préoccupation. Puis il revint vers moi et me dit :

— Mais elle n’a aucune notion de musique, n’est-ce pas ? Elle a appris cela comme un perroquet ; elle ne le lit pas, vous le lui avez seriné ?

Je me mis à rire.

— Et pourquoi riez-vous, voyons ?

— Parce que vous faites des questions d’enfant. Il lui a fallu deux jours pour comprendre ce que c’est que de la musique écrite. Dans quinze jours, elle lira à livre ouvert dans n’importe quelle partition. Dans un mois, avec l’intelligence et la volonté dont elle est douée, elle sera capable de faire sa partie raisonnée dans un ensemble. Mais cet A B C de la pratique, dont vous faites une si grosse affaire, ne lui ser-