Page:Sand - La Daniella 2.djvu/199

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas au résultat favorable sur lequel compte l’excellent lord B***.

Dans l’état des choses, il se fait fort de me faire délivrer mes passeports, si je préfère ne pas attendre ce résultat. Mais je n’ai nullement envie de quitter Frascati maintenant. D’abord, je ferais perdre à lord B*** le cautionnement dont il a la délicatesse de ne pas vouloir que je m’occupe. Ensuite, je ne dois ni ne veux songer à le laisser dans l’inquiétude et le chagrin. Enfin, j’ai ici des affections, une sorte de famille, un soleil splendide, des travaux en train, des sites qui m’appartiennent déjà et qui me charment, d’autres que je n’ai fait qu’effleurer et dont il me tarde de prendre possession ; et, plus que tout cela, des aitres témoins de mon bonheur et dont je sens que je ne sortirai pas sans un vif regret.

Ce vieux mot d’aitres, qui vient d’atrium, mais qui n’a plus un sens aussi intime et aussi patriarcal que dans l’antiquité, représente pour moi tout un état de choses important dans ma vie de campement. Je peux dire que je connais les aitres de tous ces beaux jardins qui m’entourent, et ceux de Tusculum et ceux de la gorge del buco, et que cette belle nature, où j’étais un passant et un étranger dans les premiers jours, m’appartient et me possède à présent. Elle m’a ouvert ses sanctuaires et révélé ses grâces secrètes. Il y a, entre elle et moi, un lien qui ne sera jamais détruit. Où que je sois, mon souvenir m’y transportera, et les grandes allées comme les petits sentiers, les croupes adoucies comme les roches ardues, les yeuses colossales comme les petites étoiles bleues des buissons, tout cela est à moi pour toujours.

. . . . . . . . . . . . . . .

Donc, nous revoici installés dans notre forteresse, et je peux jeter du chocolat par la terrasse du casino aux neveux