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votre jeunesse et votre inexpérience, un ascendant particulier sur moi. Si j’en cherche la cause, je la trouve dans la sincérité particulière de votre nature, dans l’accord réel que je remarque entre votre conduite et vos idées. Pourtant, si vous voulez que je l’avoue, je n’avais pas compris d’abord votre amour pour Daniella. Je pensais que c’était une volupté, et que cela prenait trop d’empire sur vous, trop de place dans votre vie. À présent, je vois que c’est une passion envisagée et acceptée par vous autant que subie, et je vous trouve dans le vrai ; je suis certain que vous ne serez jamais malheureux parce que vous ne serez jamais injuste ni faible.

Pourtant, écoutez-moi. Je vous dois une révélation qui peut avoir son importance. Il n’eût tenu, il ne tiendrait peut-être encore qu’à vous d’épouser la nièce de ma femme. Medora vous a aimé, et je crois qu’elle vous aime encore, autant qu’elle peut aimer. Dans tous les cas, après les deux mariages de caprice ou de dépit qu’elle vient d’arranger et de rompre en si peu de jours, je vois que son esprit détraqué ne demande qu’à subir une influence nouvelle, et que M. Brumières pourrait, tout comme un autre, profiter de la circonstance. Songez-y, tâtez-vous bien ; voyez si une grande fortune serait pour vous un élément de force et de bonheur. Ni ma femme ni moi ne pouvons nous opposer à n’importe quel mariage résolu par cette personne fantasque. Pour avoir essayé de la détourner de ce prince usé et malade (un excellent homme, d’ailleurs), nous l’avons malheureusement poussée à l’inconcevable divertissement de se faire enlever par lui. Je crois, Dieu me damne, que c’est uniquement le danger d’être tuée en s’associant à sa fuite qui a réveillé son cerveau blasé, avide d’émotions inutiles. Elle vous a revu au moment de s’embarquer, nous a-t-elle dit, et j’ai cru deviner que vous