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naturellement par la vanité. Si humble et si sensé que l’on soit, on se sent flatté, avant, pendant ou après l’amour, d’inspirer un sentiment qui se donne pour sérieux, une confiance qui semble être une marque de haute estime. Les privilèges d’une certaine intimité chaste flattent les sens quand même, et je comprends très-bien que, si je n’aimais pas exclusivement et passionnément une autre femme, celle-ci, avec ses airs de respect pour mon caractère et de docilité devant mes avis, pourrait se moquer de moi et me conduire adroitement à ses fins, lesquels ne sont autres que de me rendre amoureux d’elle pour avoir le plaisir de me dire : « À présent, mon cher, il est trop tard.»

Ce n’est pas que Medora soit une de ces femmes tigresses ou serpents, comme on en voit dans certains romans modernes. Oh ! mon Dieu non ! C’est une femme comme beaucoup d’autres, une vraie femmelette de tous les mondes et de tous les temps ; je veux dire une de celles qui n’ont pas grand esprit ni grand cœur et qui, favorisées de la nature et de la fortune, jouent à leur aise le rôle d’enfant gâté avec tous les gens simples ou vains qu’elles peuvent accaparer. Ces femmes-là font volontiers des perfidies sans être précisément fausses, des coups de tête sans être fortes, et de la diplomatie sans être habiles. Elles s’aiment beaucoup elles-mêmes, d’un amour maladroit et mal entendu, mais exclusif et persistant, qui leur enseigne et leur inspire la rouerie nécessaire à leurs desseins. Elles se compromettent sans se perdre et s’offrent sans se livrer. Elles se font beaucoup de tort et reprennent le dessus continuellement, tant est grande la double puissance de l’argent et de la beauté. Des hommes plus forts et meilleurs que ces femmes-là sont souvent leur dupes, et Brumières, qui a infiniment plus d’esprit, de pénétration, de suite dans les idées et dans le caractère que n’en a Medora, me paraît destiné à être mené par