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ne leur dis rien de moi, c’est inutile, et va vite. Ce soir, je te dirai comment je veux me conduire à leur égard ; j’y penserai. Passe ton habit et va-t-en. Tarder serait mal : on t’accuserait d’ingratitude. Va !

Elle me conduisit jusqu’à la porte de la cour et me poussa presque dans le stradone, comme si elle eût craint de se raviser et de me retenir. En me rendant seul à la liberté, il semblait qu’elle eût la soudaine révélation d’un état de choses douloureux pour elle et malheureux pour nous deux. Elle était absorbée, et, quand, après l’avoir embrassée, j’eus fait quelques pas, je me retournais et la vis debout au seuil du manoir, immobile, pâle, avec un regard sombre qui me suivait attentivement.

En ce moment, je me rappelai que Medora était à la villa Piccolomini, et que j’allais probablement la revoir. La pensée d’un nouvel accès de jalousie, lorsque Daniella viendrait à savoir cette rencontre, me donna froid par tout le corps. Je retournai vers elle avec la résolution de lui dire la vérité ; mais, en même temps, je compris que si elle m’empêchait d’aller remercier lord B*** et m’informer moi-même de la santé de sa femme, je commettais une lâcheté impardonnable.

On eût dit que Daniella devinait mes secrètes perplexités. Son bel œil terrible interrogeait ma physionomie et tous mes mouvements. J’avais commencé à marcher vers elle, je ne pouvais plus m’en dédire.

— As-tu oublié quelque chose ? me dit-elle sans faire un pas dehors.

— Non ! je veux t’embrasser encore !

Je l’embrassai en frémissant ; je sentais que je la trompais et qu’elle me le reprocherait ensuite, comme si mon silence couvrait une infidélité. Et pourtant, si la scène de la maledetta recommençait en ce moment, si elle se prolongeait jusqu’au soir, jus-