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— Nous allons sortir ensemble, me dit-elle en préparant ma toilette de visite, je veux aussi remercier lord B***, ton ami et ton sauveur !

Quoique je sentisse l’inconvenance de cette démarche, je fus vite décidé à en accepter toutes les conséquences. Mais la pauvre enfant lut dans mes yeux la rapide expression de ma première surprise. Elle attacha son regard profond sur le mien, et s’assit en silence, tenant mon habit noir sur ses genoux.

— Eh bien, lui dis-je, tu ne t’habilles pas ?

— Non, répondit-elle d’un air abattu ; je n’irai pas, je ne dois pas y aller ? Je ne peux pas entrer chez eux comme ta femme, et on me ferait sentir que ma place est dans l’antichambre.

— Il faudra pourtant bien, si l’on tient à me voir, que l’on s’habitue à te recevoir comme mon égale.

— Quand nous serons mariés… peut-être. Mais non, va, jamais ! lady Harriet est trop grande dame anglaise pour se résigner à faire asseoir devant elle la pauvre fille qui lui a tant de fois lacé ses bottines. Non, non ! jamais ! J’étais folle de l’oublier !

— Eh bien, c’est possible. Qu’importe ? Je vais remercier ces personnes généreuses et leur faire en même temps mes adieux.

— Tu ne peux pas quitter Frascati tant que la somme déposée pour ta caution…

— Je le sais, je ne quitterai pas Frascati ; mais je ne reverrai pas lady B***, car je vais lui annoncer notre mariage, et elle sera probablement charmée de ma résolution de ne plus me présenter chez elle.

— Ainsi, je serai cause que tes amis les plus utiles, ceux à qui tu dois le plus, te chasseront de chez eux ?… Ah ! c’est affreux de réfléchir, et voilà que je réfléchis ! Eh bien, écoute,