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pour m’aider à plaire, résultat que vous favoriserez en déplaisant vous-même le plus possible.

— Ah ça ! lui dis-je, cette plaisanterie dure donc encore, et vous voulez absolument vous persuader que je risquerais de plaire trop, si je ne faisais de grands efforts pour me rendre moins délicieux ?

— Ah ! tenez, mon brave Valreg, vous parlez comme vous le devez, et je me plais à reconnaître que, malgré mes persécutions, je n’ai pas pu vous arracher le plus petit sourire de vanité. Je n’aurais peut-être pas été si austère et si religieux, si j’avais été à votre place. Mais le fait est que je sais tout. Ne dites rien, c’est inutile, je sais tout ! Medora m’a tout raconté elle-même, avec une insolence de franchise qui m’a mis d’abord en fureur contre elle, et qui a fini par me faire beaucoup de plaisir, car cet abandon de confiance me prouve un désir de mettre mon dévouement à l’épreuve et me donne le droit de me dire le confident et l’ami de ma princesse. Je sais donc qu’elle vous a aimé par dépit et qu’elle vous l’a laissé voir. Je sais qu’un baiser a été échangé dans les grottes de Tivoli… Sapristi ! si je ne vous voyais faire, à présent, des folies pour la Daniella, je croirais que vous êtes un nouveau saint Antoine. Il faut que cette Daniella soit délirante pour vous inspirer une telle vertu !

— Ne parlons pas d’elle, je vous prie, répondis-je brusquement, je vais lui dire que je sors ; je vais m’habiller, et je vous rejoins chez lord B*** dans un quart d’heure. Où demeure-t-il ?

— À Piccolomini ; je cours vous annoncer. »

Daniella reçut avec transport la nouvelle de ma liberté. Elle voyait finir mes dangers et arriver l’heure de notre union religieuse, qu’elle avait toujours affecté de ne pas juger nécessaire à notre bonheur, mais que ses scrupules religieux appelaient en secret comme une absolution de son péché.