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oncle. Je sais qu’une démarche de votre part pour approuver et appuyer ma demande filiale aura du poids dans son opinion.

Et maintenant, je vas me remettre à la peinture. Je m’aperçois avec plaisir que ces agitations, ces joies, ces dangers et ces fatigues, loin de m’énerver, me font sentir plus vivement le besoin, le désir, et, qui sait ? peut-être la faculté du travail. Par le temps de civilisation qui court, les artistes sont légitimement avides d’un certain bien-être, à un moment donné. Et moi aussi, je m’arrangerais bien d’une situation faite et de conditions d’existence assez stables et assez douces pour me permettre de faire, de mon talent, le résumé de ma valeur intellectuelle et morale. Mais, d’une part, je n’ai pas encore le droit d’aspirer à ces tranquilles satisfactions et à ces saines habitudes de la maturité. D’autre part, je ne suis peut-être pas destiné à y arriver jamais, et les jours de foi, de santé, d’émotion que je traverse, ne me sont pas envoyés pour que j’en attende le résultat, incertain par rapport à mon progrès futur. C’est à présent, c’est dans le mystère où je me plonge, c’est dans l’amour qui m’exalte et dans la pauvreté que j’épouse résolument, qu’il me faut chercher le calme et la force de mon âme. Je songe à tous ces vaillants artistes du passé qui traversèrent des maux si grands, des revers si tragiques ou des souffrances si amères, sans jamais trouver l’heure bienfaisante où ils eussent savouré la fortune et la gloire. Ils ont produit quand même ; ils ont été féconds et inspirés dans la tourmente. Eh bien, marchons dans ce chemin de torrents et de précipices, puisqu’il a été frayé par tant d’autres qui étaient plus et qui valaient sans doute mieux que moi !

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