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ma Daniella, je ne pus me défendre de la presser dans mes bras.

— Vous êtes contents de vous retrouver ensemble sous terre ? dit Felipone, qui nous regardait en souriant, tout en allumant une lanterne pour nous diriger dans ces ténèbres. Allons ! c’est bien, mon garçon, d’avoir préféré l’amour à la liberté. Moi, je comprends cela. La femme est tout pour celui qui mérite le nom d’homme. Pour ma Vincenza. je consentirais à demeurer dans un souterrain toute ma vie. Elle est mon soleil et mes étoiles, et celui qui m’ôterait son cœur pourrait bien dire vite son in manus.

Je pensai au docteur et à Brumières, lequel, dans la causerie dont je vous ai donné l’abrégé, m’avait fait entendre qu’il consolait déjà la Vincenza du départ de son dernier amant. Il y a des dupes intéressantes, et j’avoue qu’au lieu d’avoir envie de rire de la confiance du fermier, je me sens porté à m’indigner de la trahison qui l’environne. Cet homme est jeune, agréable, beau de santé et de physionomie. Il se pique, avec un peu de forfanterie vulgaire, de ne croire à rien au delà de vie, et traite de préjugés les croyances les plus sérieuses ; mais sa charité, sa bravoure, son dévouement et sa bienveillance donnent des démentis continuels à ce prétendu athéisme. Il a cette demi-éducation qui ouvre l’esprit du paysan à des notions de progrès, sans lui ôter l’originalité naïve de ses formes. Si j’étais femme, je le préférerais beaucoup à Brumières et au docteur, l’un qui fait de l’amour une satisfaction d’appétit, l’autre un chemin de fortune ou de vanité. Cette généreuse nature de Felipone n’est pourtant qu’un manteau pour couvrir les caprices de sa femme, et cet homme, qui nie Dieu et qui croit en elle, ne lui inspire ni respect, ni reconnaissance véritable. Il n’y a pas là le plus petit mot