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avec ce prince ou avec ce docteur dont tu me parlais hier ? Non certes, toi aussi tu perdrais l’esprit, tu ne m’écouterais pas, et tu serais peut-être aussi injuste que je l’étais tout à l’heure. D’ailleurs, est-ce que l’amour est tout entier dans le bonheur qu’on goûte ensemble ? Est-ce qu’il n’est pas aussi dans le chagrin, dans le délire, dans l’inquiétude que l’on se cause l’un à l’autre ? Est-ce que nous n’avons pas déjà bien souffert de notre passion ? S’est-elle refroidie pour cela ?

— Tu as raison ! Il ne s’agit pas d’être heureux, mais d’aimer ! Eh bien, fais-moi tout le mal que tu voudras, pourvu que je vois renaître ton sourire et que je retrouve l’ardeur de ton baiser.

La journée s’acheva dans les célestes voluptés d’une tendresse plus vive et plus délicate que nous ne l’avions encore ressentie. Il s’était fait en Daniella comme une transformation à la suite de cette crise terrible. Elle parlait avec plus d’élévation et de clarté ; elle trouvait des mots plus nets et plus profonds pour exprimer son amour. Elle voyait presque en artiste et en poète les grandeurs de la nature qui nous environnait. Sa beauté même me semblait avoir pris un caractère plus touchant et plus intelligible. Son expansion ne m’étonnait plus par des réticences et des élans imprévus. Elle était intelligente comme un être cultivé dès l’enfance, et tendre comme la femme la plus douce et la plus pieuse. Je n’osais lui dire combien j’étais frappé de cette sorte de transfiguration soudaine. Peut-être m’apparaissait-elle ainsi parce que j’avais vu éclater la violence cachée sous son calme habituel, et que, la connaissant enfin tout à fait, je me sentais épris de l’excès même de son redoutable amour.

Peut-être aussi ce prompt retour à une complète sérénité et cette révélation d’une beauté morale plus exquise, étaient-