Page:Sand - La Daniella 2.djvu/152

Cette page n’a pas encore été corrigée

suffisait d’établir et de jurer, en toute loyauté, que je n’avais jamais eu un moment d’amour pour Medora. Je ne devais à personne au monde la confession d’un moment d’égarement de la part d’une femme qui s’était fiée à mon honneur.

Malheureusement, les questions de Daniella s’acharnaient tellement à ce cas réservé de ma conscience, qu’elle me contraignait à mentir. Elle poussa la rudesse de sa passion jusqu’à vouloir me faire jurer sur l’honneur que jamais Medora n’avait cherché à provoquer mon cœur, mon imagination où mes sens.

C’est en disant toute la vérité que j’aurais pu victorieusement me disculper. Ma vie, ma conduite, depuis l’aventure de Tivoli, étaient bien la preuve d’une sorte d’antipathie pour la belle Anglaise, si j’eusse pu avouer qu’elle m’avait offert sa main ; mais Daniella ne croyait pas qu’elle eût été jusque-là. Elle pensait, au contraire, que j’avais pu être rebuté le jour de la promenade à Tivoli ; que ma fièvre n’avait pas eu d’autre cause que cette contrariété ; enfin, qu’elle-même n’avait été pour moi qu’un pis-aller. C’était donc ma justification pleine et entière qu’elle me demandait, et je vous jure que j’étais stoïque de lui résister, en refusant de lui livrer Medora, provocante et déçue.

Quand elle vit qu’en me défendant d’avoir jamais senti le moindre attrait pour cette beauté, la moindre sympathie pour ce caractère, je m’abstenais de railler et de mépriser la conduite de miss ***, l’orage recommença. La colère était épuisée, mais ce fut un déluge de pleurs.

— Pourquoi ne pas me dire ce que je croyais savoir et ce que je voulais croire ? s’écria-t-elle en tordant ses petites mains comme si elle eût voulu les briser. Cette infâme coquette m’a dit elle-même que vous ne l’aimiez pas, mais qu’elle saurait bien se faire aimer !