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— C’est bien ! me dit-elle en la recevant d’un air de bizarre triomphe : vous êtes véritablement le seul homme que j’aurais pu aimer ! Mais je n’aimerai plus personne, si ce n’est d’amitié. An revoir donc, et bonne chance pour rentrer à Mondragone !

Elle fit deux pas et se retourna en disant :

— Vous ne venez pas m’aider à remonter sur mon cheval ?

— Non ! répondis-je, révolté de cette nouvelle exigence ; j’entends venir.

— Tiens ! c’est vrai ! reprit-elle après un moment de silence. Je me sauve ! à bientôt !

Et, sans attendre une réponse que j’étais peu disposé à lui faire, elle disparut.

Je me baissai dans les rochers et prêtai l’oreille, étonné d’avoir dit vrai en parlant au hasard pour couper court à cette périlleuse entrevue. Les branches mortes criaient sous des pas rapides, et ce n’était pas seulement sous ceux de Medora fuyant vers ma gauche. Une autre personne venait vers moi par une autre direction. Mon cœur et mes sens reconnurent Daniella. Je m’élançai joyeux à sa rencontre.

Elle était pâle et tremblante ; je crus qu’elle était poursuivie et voulus armer mon fusil ; mais elle me fit signe que cela n’était pas nécessaire, et s’enfonça dans le taillis avec une sorte d’impétuosité désespérée, en se retournant de temps en temps pour s’assurer que je la suivais. Sa figure était bouleversée, non d’effroi, mais de colère.

Quand nous eûmes gagné le pied du rocher del buco, je voulus la faire expliquer. Elle ne répondit pas et se mit à gravir, avec l’agilité et la force d’un chamois, les gradins inégaux et par endroits gigantesques de la cascatelle.

Elle entra la première dans la tour, et, se jetant par terre, elle fondit en larmes.