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— Parlons brièvement ; le temps me presse. Masolino Belli a été tué cette nuit par Felipone, en cherchant à nous assassiner. Moi, j’ai tué Campani.

— Pour tout de bon, cette fois ?

— Pour tout de bon. Si vous eussiez bien regardé, Masolino n’était probablement pas seul à la porte du cimetière.

— Vous avez tué ce brigand vous-même ? Donnez-moi votre main, Valreg ! J’aime à serrer la main d’un homme qui vient de tuer son ennemi. C’est si rare, au temps où nous vivons, de faire acte d’énergie et de vengeance !

— Cet homme n’était pas plus mon ennemi qu’un loup ou un serpent qui se jetterait sur moi, lui dis-je en touchant froidement la main qu’elle me tendait, et en examinant la singulière expression de férocité exaltée que prenait cette tête fantasque. Je suis le mortel le moins vindicatif qui se puisse imaginer.

— Valreg ! reprit-elle en s’animant, vous ne vous connaissez pas ! Vous êtes, avec votre sang-froid modeste, de la trempe des héros !

— Moi ?

— Ne riez pas, je parle sérieusement. Ce que vous avez fait pour moi en vous exposant à de pareilles aventures vous assure à jamais mon admiration et ma reconnaissance.

Il n’était ni galant ni habile de la détromper ; mais elle parlait avec une telle vivacité, que je me hâtai de dire la vérité, à savoir, que je m’étais exposé par reconnaissance pour ses compagnons, et non pour elle, que je n’avais pas même pressentie sous son voile, dans la Befana.

— C’est impossible, dit-elle en riant ; vous m’aviez reconnue !

— Je ne vous avais pas seulement regardée, je vous en donne ma parole d’honneur.