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disaient cela pour paraître bons catholiques et n’être pas dénoncés par Masolino. Comme il ne se méfiait pas d’eux, ils eussent pu me délivrer, mais aucun ne l’a osé. Tartaglia l’eût tenté par adresse, mais quand j’ai pu échanger des lettres avec lui sous la porte, et savoir que tu te soumettais et ne manquais de rien, j’ai cru devoir me soumettre aussi. Quand je ne l’ai plus vu revenir, j’ai cru que je deviendrais folle, et j’avais commencé à couper mes draps pour me sauver par la fenêtre. Je m’y serais tuée.

Heureusement, mon parrain Felipone a pu me faire passer un mot où il me disait : Tout va bien, patience ! J’ai pris patience. Toute la nuit dernière, n’entendant pas remuer Masolino, je me suis doutée qu’il ne renonçait pas à me garder sans avoir quelque mauvais dessein contre toi, et j’ai travaillé jusqu’au jour à me délivrer. J’avais réussi à entamer le mur de ma chambre auprès de la porte, dans l’espérance de faire tomber les gonds. Mais la fatigue m’a forcée de dormir une heure. Quand j’ai ouvert les yeux, Vincenza était auprès de mon lit.

— Lève-toi vite, m’a-t-elle dit, cache-toi la figure avec mon châle, et cours à la ferme des Cyprès. Dans quelques moments, je sortirai ; je refermerai la porte comme si de rien n’était, et je m’en irai te rejoindre.»

Voilà comment j’ai été sauvée. J’ai fait avertir Olivia et Mariuccia ; j’ai passé la journée à Mondragone, que l’on garde toujours avec grand soin. J’ai ri et sauté de joie avec Tartaglia ; j’ai fait danser mon oncle le capucin, malgré lui ; j’ai oublié que j’étais en deuil de mon frère. Quand je m’en suis souvenue, j’ai pleuré de repentir. Je lui ai commandé un enterrement honorable et beaucoup de messes. Puis, ayant pris, de Felipone, toutes les informations nécessaires sur le lieu de ta retraite… me voila !

— Mais tu connaissais donc tous les recoins de ce désert ? Comment, sans voir clair, as-tu pu arriver ici ?