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— Je ne te quitterai plus jamais, excepté demain matin, pour aller à l’enterrement de mon frère ; après quoi, je dirai adieu à Frascati pour toujours, si tu veux.

— Sans regret ?

— Sans aucun regret. Je n’y aime plus personne que la Mariuccia et Olivia, et aussi un peu ce pauvre Tartaglia, qui t’a fidèlement servi.

— Et Felipone ? et Onofrio ?

— Oui, ceux qui se sont bien conduits avec toi ! il y a, chez nous, des gens qui sont si bons et si dévoués qu’il faut bien pardonner aux autres ; mais le plus grand nombre est lâche et mauvais. Croirais-tu que personne ne m’a porté secours quand mon frère m’a enfermée dans ma chambre ? Le premier jour, on venait me parler à travers la porte ; on me plaignait, mais personne n’avait le courage de faire sauter l’énorme serrure qu’il avait mise lui-même à la place de mon ruban rose. J’y ai mis mes mains en sang ; j’y ai brisé tous les ustensiles de mon petit mobilier, j’y ai épuisé mes forces des nuits entières. Quand il m’entendait faire trop de bruit, il entrait et me frappait. J’ai lutté corps à corps avec lui jusqu’à tomber évanouie. Olivia et Mariuccia sont venues dix fois sans pouvoir décider aucun homme à les accompagner. D’ailleurs, Masolino était presque toujours là. Il couchait dans le corridor, et il menaçait d’aller chercher l’autorité pour me mettre en prison tout à fait. — Je la dénoncerai plutôt complice des conspirateurs qui sont à Mondragone, disait-il ; je veux que ces chiens de révolutionnaires meurent de faim, et je sais que c’est elle qui leur portait des vivres.

Que pouvaient faire mes amis ? Ils aimaient mieux attendre que de le pousser aux dernières extrémités. Les autres se réjouissaient de mon chagrin et de ma colère. — C’est bien fait, disaient-ils ; pourquoi aime-t-elle un impie ? Ils