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loyal envers moi, je lui devais réparation formelle de mes injustices.

— Prends la clef, lui dis-je et bonne nuit !

Il me parut enchanté de cette réponse. Ses yeux de Scapin brillèrent soit d’une joie de chat qui happe sa proie, soit de reconnaissance pour mon bon procédé.

— Dormez en paix, Excellence, me dit-il, et sachez que personne au monde ne viendra vous troubler ! Il y a défense absolue d’entrer ici, où l’on sait que vous êtes et où vous voyez qu’on vous laisse tranquille.

— On le sait donc positivement ? Tu ne me l’avais pas dit !

— On le sait positivement, Excellence ! et on espère que vous ferez une tentative d’évasion, ce qui serait une imprudence et une folie. On croit que vous serez chassé du gîte par la faim ; mais ils ont compté sans Tartaglia, ces bons messieurs !

Il prit mes habits et se mit à les brosser dans l’antichambre. J’étais si fatigué, que je m’endormis à demi, au bruit de sa vergette.

Je m’éveillai au bout d’une heure, et je vis mon drôle assis devant mon feu, occupé à lire tranquillement, en se chauffant les pieds, l’album qui contient ce récit depuis le jour de Pâques. (Vous avez dû recevoir tout ce qui précède ; je vous l’ai envoyé de Rome, ce jour-là, par Brumières, qui a un ami à l’ambassade française.)

En voyant ce coquin feuilleter mon journal et s’arrêter sur quelques pages qui semblaient l’intéresser, je fus sur le point de me lever pour lui administrer à l’improviste une grêle de soufflets ; mais cette réflexion me retint :

— S’il est ; comme je n’en peux guère douter, de la police, il va se convaincre que je n’ai pas la plus petite préoccupation ni affiliation politique, et mon principal moyen de salut est dans ses mains. Laissons-le faire. »