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Le bruit des chutes d’eau ne me permit pas d’entendre si le plateau de rochers qui s’élevait au-dessus de moi était fréquenté. Il devait l’être, puisque j’étais si près de la bourgade ; mais comme je ne pouvais rien voir, je conclus naturellement que je ne pouvais être vu de personne.

Je ne sais si vous vous figurez l’horreur grandiose d’un pareil domicile. Les chouettes elles-mêmes ont craint de s’en emparer.

Au-dessus de la salle où j’étais, la tour éventrée n’offrait que crevasses et débris supportés tant bien que mal par la petite voûte de mon asile. Un tas de sable, apporté sur la plate-forme par les courants accidentels des grandes pluies, servait de logement à de nombreux reptiles que je fis déguerpir. Je n’étais protégé dans mon bouge par aucune espèce de porte ; mais, l’ouverture étant fort petite, j’étais à couvert et à l’abri du vent.

Je m’arrangeai pour passer la journée, sinon gaiement, du moins patiemment. Je m’assis sur la petite plate-forme et m’exerçai à y braver le vertige que Felipone m’avait annoncé et qui est très-réel. Imaginez-vous une poivrière accrochée à l’orifice d’un puits de plusieurs centaines de pieds de profondeur, le long d’une cascade qui a l’air de vous tomber sur la tête et qui se perd sous vos pieds, dans l’espace invisible. Le calme de cette eau brillante qui lèche le rocher en se laissant précipiter nonchalamment, a quelque chose de magnifique et de désespérant. Ce n’est pas l’enivrant fracas des chutes de Tivoli ; on est ici trop haut perché pour entendre autre chose qu’une voix d’argent claire et monotone qui semble vous dire : Je passe, je passe, et jamais rien de plus.

Moi aussi, j’aurais voulu passer, me laisser tomber, et arriver d’un saut au fond de la gorge, pour me mettre à courir comme l’onde vers Frascati. La pensée de revoir bientôt