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— Eh ! mon Dieu ! je le sais par milord B***, qui croit être bien réservé, et à qui je fais dire tout ce que je veux… après dîner.

— Et comment sais-tu ce qui me concerne dans l’affaire de l’image de la madone ?

— Vous allez me dire encore que je suis dans la police ? Cela n’est pas ! mais on a des amis partout. Je sais tout ce qui vous concerne, et bien plus de choses que je ne vous en dis.

— Il faudrait cependant, si tu as tant de zèle pour moi, me mettre à même de lutter contre mes ennemis.

— Cela viendra en temps et en lieu ; rien ne presse. Mais vous êtes fatigué, mossiou ! Comme on ne sait jamais ce qui peut arriver, vous feriez bien de dormir un peu et de vous tenir en force et santé devant les événements.

J’étais fatigué, en effet. La brusque transition de ma belle vie de roman et d’amour à ce nouvel état de choses déplaisantes m’avait accablé comme si je fusse tombé matériellement au fond d’un abîme.

— Voulez-vous que j’emporte la clef de votre chambre ? dit Tartaglia d’un ton léger, en me souhaitant le bonsoir.

La question était grave : il pouvait s’être chargé de me faire empoigner sans bruit, et de manière à laisser croire à mon protecteur que je m’étais rendu de bonne grâce, par ennui de la solitude. Jusque-là, il m’avait vu disposé à vendre ma liberté le plus cher possible. S’il me trahissait, il devait vouloir me surprendre endormi.

Mais, comme je vous l’ai dit, j’étais déjà las de me méfier et de me préserver d’événements que je n’ai pu promettre à Daniella d’éviter ; et d’ailleurs, si je devais être vendu par Tartaglia, je trouvais une sorte de plaisir amer à pouvoir dire un jour à ma maîtresse imprudente : « Voilà l’effet de votre amitié pour ce coquin». Si, au contraire, le coquin était