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— Au jour ? Non.

— Alors votre connaissance ne sera pas longue ; c’est le cadavre que j’ai souffleté tout à l’heure.

— Le frère de Daniella ?

— C’est moi qui l’ai tué, et je prends ça sur moi avec plaisir… et orgueil ! Le Satan ! Je lui devais ça pour avoir voulu violer ma femme, un jour qu’elle lavait seule à la fontaine. La Danielluccia va prendre le deuil ; elle n’en sera que plus jolie : ça sied bien aux femmes, et elle me devra un beau cierge devant la madone de Lucullus pour l’avoir débarrassée d’une pareille crapule de frère.

Telle fut l’oraison funèbre du bandit. La figure animée de Felipone exprimait une satisfaction si franche, que, brisé de fatigue et d’émotion, je me sentis machinalement entraîné à la partager.

— Ah ça ! dit-il, quand, tout en parlant, il eut repris haleine, nous ne sommes pas au bout de notre fuite ; il faut que je m’occupe de vous cacher, et, pour cela, il nous faut grimper dans un vilain endroit ; mais vous êtes capable de trouver ça joli, vous qui êtes peintre et qui ne voyez pas comme les gens raisonnables.

— Avant tout, lui dis-je, je veux savoir ce qui doit résulter pour vous de la peine que vous prenez pour moi.

— Pour vous, à présent que Campani et Masolino ont rendu au diable leurs âmes de chien, je ne risque pas grand’chose. Votre affaire s’arrangera ou bien vous fuirez avec votre maîtresse. Vous savez, maintenant, que vous n’étiez pas la principale pièce de gibier traqué à Mondragone. Pour le prince, je ne cours pas non plus grand danger. À l’occasion, même, son frère le cardinal me saura gré de l’avoir fait partir, et, s’il faut tout vous dire… je vous dirai ça plus tard !

— Il vous a aidé, sous main, à favoriser son évasion ?